La veille de ce nouveau départ à Paris, objectif quinzaine de mini-portes à coller entre endroits stratégiques et lieux découverts au hasard d’un circuit non prémédité, je fouille la toile avec les hashtags #streetart, #artderue et tout ce vocabulaire qui met quelques paillettes dans les yeux juste parce que les 3 lettres magiques « A », « R » et « T » y figurent. Mot compte triple. Rapporte peu de points au scrabble mais quelques uns au cœur.
Ça parle de fresques, de peinture à la bombe, de collage aussi. Tiens, collage ? C’est comme « coquillage » ou bien « ravioli ». Sonorités qui donnent envie, on ne sait pas trop pourquoi…
Je clique et tombe sur Fred le Chevalier, Monsieur Chat, Madame Moustache, Intra Larue et ses seins par milliers…
Ils collent, dessinent, sculptent. Ils collent, collent, collent partout. Dessinent. Sculptent.
Je n’ai pas encore fait ma valise, on part tôt demain matin, en famille en plus.Elle supporte déjà mes arrêts intempestifs pour placer mes passages secrets dans Paris, si je commence à parler collage papier, découpage ciseaux et matos supplémentaire, ça risque de lever un peu les yeux au ciel. Pas grave, après tout c’est de ça dont il s’agit… Lever un peu les yeux au ciel…
Je clique, continue de cliquer.
Technique pour le collage papier ? On parle de colle à l’amidon. Tapisserie. Ni une ni deux, le cœur court toujours plus vite que la tête quand il s’agit d’enfantillages, direction le Géant des Beaux Arts, 20 Rue Gubernatis à Nice, milieu du magasin, pas loin des pâtes Fimo tiens, boite jaune, colle en poudre, chacun sa came. « Diluer une dose pour 9 doses d’eau ». Pinceau souple. Pot transparent. Retour maison. Mixture.
Impression de mes filles sur papier, découpage à l’arrache, test dans la cage d’escalier de l’immeuble (tiens quand j’ai commencé à savoir écrire, j’avais marqué mon prénom sur ces murs-là, on s’refait pas). Ça prend !! Ça prend trop bien !! Et puis le coup du pot, le pinceau souple à tremper dedans, le dessin qui se fond un peu plus dans le mur à chaque passage c’est encore plus délicieux que de plonger ses doigts dans un sac de graines ou d’enfoncer des framboises au bout de ses phalanges.
Changement de sac à dos, prévoir le grand pour mes miniatures. Valise toujours pas faite mais portes dans un gros sachet ok. Fimo imprimées et découpées, dans un petit sachet ok. Pot. Pinceau. Cadeaux de Pâques à déposer sur le chemin, c’est bon.
Cette fois, pas de colle ultra forte à mettre au dos des portes, qui coule sur les doigts en arrachant la peau. Nouvelle technique : scotch double face 3m, censé tenir un meuble contre un mur. Morceaux collés derrière, portes de fées prêtes à être posées dans des temps records !
Il eut été trop facile de s’en contenter.
Et puis, c’est Pâques.
Cette fois on laisse des cadeaux à côté. Miroirs de poche faits-maison, œufs en bois peints, canard en plastique, écureuil en pince. Les enfants s’arrêtent devant. Les autres aussi. Certains embarquent tout de suite le souvenir mobile, tirent un peu sur la porte, elle ne bouge pas. Sauf celle de Saint-Germain-des-Près. En repassant le lendemain, elle a été arrachée (par une main ou la pluie) et soigneusement posée (par une main ou la pluie) au dessus, sur le rebord qui rehausse de quelques centimètres une sculpture de O. Zadkine. Le scotch ne tient plus, je la récupère. Les lapins blancs sont restés…
Le dimanche de Pâques j’abandonne mon petit monde. Plus personne pour me couvrir. Envie d’aller Place de la République et dans les environs. « Je suis toujours… tout ça tout ça… »
Autour de la statue centrale, plus de fleurs, de mots ni de bougies, un meeting, politique ou non je ne sais pas, pas écouté… Tout ce que je vois c’est que le lion et Marianne bronzent. Des enfants s’assoient autour d’eux.
Je colle une porte en dessous pour faire sourire la liberté, figée dans sa pierre blanche. Elle me fait un clin d’œil.
Et puis, ne pas oublier le Bataclan. Ne jamais oublier le Bataclan. Mais en ce qui concerne mon collage, j’hésite… Ça me gêne un peu d’aller sur place. Ce n’est pas ma petite porte qui aurait permis de s’en échapper, ce jour-là… Ni mes figurines qui auraient porté des corps à sauver. Alors, juste pour la pensée…
On me dit qu’entre temps l’obscure a encore frappé. Hier soir, Paris, Champs Elysées, rendez-vous avec des fous qui vivent la gâchette à la main du soir au matin, le cœur fermé à l’inconnu…